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.Shearing serait au courant tôt au tard.Cela démolirait sa confiance en Matthew, le ferait passer pour un imbécile et ne profiterait à personne.— Oui, monsieur, avoua-t-il.Mais il est mort dans un accident de voiture alors qu’il venait me voir.Tout ce que je sais, c’est qu’il parlait d’un complot qui déshonorerait l’Angleterre.C’était ridicule… il éprouvait quelque peine à contrôler sa voix, tandis qu’il ajoutait :— Et que cela remontait jusqu’à la famille royale.Ce n’était pas toute la vérité.Il tut l’implication du monde entier.Ce n’était que l’opinion de son père et peut-être celui-ci accordait-il trop d’importance à la place de l’Angleterre.Il ne dit rien des éraflures sur la route et de sa certitude qu’il s’agissait d’un meurtre.— Je vois.La lumière oblique du soleil qui traversait les fenêtres soulignait les fines rides de Shearing.Son émotion et sa fatigue étaient à nu, mais ses pensées dissimulées, comme toujours.— Alors vous feriez mieux de suivre l’affaire, de découvrir tout ce que vous pourrez.Il plissa les lèvres.Impossible de deviner ce qu’il avait en tête.— Je présume que c’est votre intention, de toute manière.Mais faites-le correctement, en tout cas.— Et Neill ? demanda Matthew.Blunden ?Le regard de Shearing s’éclaircit, comme sous l’effet d’un amusement qu’il ne pouvait partager.— J’ai d’autres hommes qui peuvent s’en charger, Reavley.Vous me serez plus utile en accomplissant une seule tâche comme il faut, plutôt que deux à moitié.Matthew ne laissa pas transparaître sa gratitude.Shearing ne devait pas le croire trop redevable.— Merci, monsieur.Je vous tiens au courant dès que j’ai du nouveau.Il tourna les talons avant que son chef pût ajouter quoi que ce soit, puis referma la porte derrière lui.Il éprouvait une singulière sensation de liberté… et de danger.Matthew se mit aussitôt au travail et sa première visite correspondit tout à fait à la suggestion de Chetwin : Dermot Sandwell.Il sollicita un rendez-vous de toute urgence, en rapport avec l’annonce que le roi avait faite ce jour-là, selon laquelle il soutenait les loyalistes de l’Ulster.Il déclina son nom et son rang, en précisant qu’il était en mission pour les services secrets.Inutile de le cacher, car Sandwell pourrait très facilement le découvrir, et sans cette précision il était d’ailleurs peu probable qu’il consente à le recevoir.Matthew attendit à peine quinze minutes avant d’être conduit d’abord dans l’antichambre, puis dans le bureau principal.C’était une jolie pièce donnant sur Horseguards’ Parade, meublée avec beaucoup de personnalité et un agréable mélange de styles classique et moyen-oriental.Un bureau en noyer était flanqué de fauteuils Queen Anne.De la vaisselle de cuivre turque reposait sur une table italienne en marqueterie de pierres dures.Des miniatures perses peintes sur os ornaient un mur et, au-dessus de la cheminée, un Turner mineur d’une exquise beauté, qui coûtait sans doute autant d’argent que Matthew en gagnerait en une décennie.Sandwell lui-même était grand et très mince, mais il y avait chez lui une sorte de grâce nerveuse qui suggérait la force.Il avait les cheveux et la peau clairs, et des yeux d’un singulier bleu vif.Son visage témoignait d’une vivacité qui le distinguait d’autrui, en dépit de l’aspect banal du reste de sa personne.Il devait retenir l’attention de quiconque restait en sa compagnie quelques instants.Il s’avança et serra la main de Matthew avec fermeté, puis recula.— Que puis-je pour vous, Reavley ?Il désigna le fauteuil pour signifier que son visiteur était censé s’asseoir, puis reprit lui-même place dans le sien, sans quitter Matthew du regard.Il continua à susciter une certaine tension dans la pièce, tout en demeurant tout à fait immobile.Matthew nota la présence d’un cendrier en mosaïque sur le bureau, contenant au moins une demi-douzaine de mégots.— Comme vous le savez, monsieur, Sa Majesté a exprimé son soutien aux loyalistes de l’Ulster, commença-t-il.Et nous craignons qu’en agissant ainsi, il risque de se mettre quelque peu en danger face aux nationalistes.— Je dirais que cela ne fait aucun doute, approuva Sandwell, avec une faible lueur d’impatience dans le regard.— Nous avons des raisons, non tangibles mais suffisamment préoccupantes, de croire qu’il existe un complot pour l’assassiner, poursuivit Matthew.Sandwell ne bougeait pas, mais il se raidit encore davantage intérieurement.— Vraiment ? J’admets que cela ne me surprend pas en soi, mais j’ignorais qu’ils étaient aussi… audacieux ! Savez-vous qui se cache derrière tout cela ?— J’y travaille justement.Plusieurs possibilités s’offrent à moi, mais la seule qui paraisse jusqu’ici plausible, c’est un individu du nom de Patrick Hannassey.— Un nationaliste au long passé d’activiste, admit Sandwell.J’ai eu moi-même affaire à lui, mais pas récemment.— Personne ne l’a vu depuis plus de deux mois, dit Matthew d’un ton sec.C’est l’une des raisons de notre inquiétude.Il a si bien disparu de la circulation qu’aucun de nos contacts ne sait où il est.— Alors qu’attendez-vous de moi ? s’enquit Sandwell.— Tout renseignement que vous pourriez avoir sur les contacts passés de Hannassey.Tout ce que nous ne saurions pas à son sujet : liens avec l’étranger, amis, ennemis, faiblesses…Il avait décidé de ne pas mentionner Michael Neill.Ne jamais transmettre une information sans y être obligé.Sandwell s’exprima enfin.D’une voix calme et un peu acide.— Hannassey a participé à la guerre des Boers… de leur côté, bien sûr.Les Britanniques l’ont capturé et détenu quelque temps en camp de concentration.J’ignore pendant combien de temps au juste, mais au moins plusieurs mois.Si vous aviez vu ce…Sa voix se brisa.— La guerre peut déposséder les hommes de leur humanité.Des individus dont vous auriez juré qu’ils étaient intègres, et ils l’étaient avant que la peur, la douleur, la famine, et la propagande de haine les dépouillent de cette intégrité en leur laissant uniquement la volonté animale de survivre.Ses yeux bleus se posèrent sur Matthew en le submergeant d’une sensibilité que son élégance naturelle avait complètement masquée.— La civilisation ne tient qu’à un fil, capitaine Reavley, un fil désespérément ténu, une fine couche de vernis, mais elle représente tout ce qui nous sépare des ténèbres.Ses longs doigts presque délicats s’entrecroisaient, les phalanges pâlissant sous la peau tendue.— Nous devons nous y cramponner à tout prix, car si nous la perdons, nous devons faire face au chaos.Sa voix était douce, mais il y avait en elle un mépris qu’il ne pouvait contrôler.— Croyez-moi, capitaine Reavley, la civilisation peut être balayée et nous nous transformer en sauvages si horribles que vous ne réussissez à en chasser l’image de votre âme.À présent, sa voix dépassait à peine le murmure.— Vous vous réveillez en sueur dans la nuit, avec la chair de poule, mais le cauchemar est en vous, car il est possible que nous soyons tous ainsi… sous le masque de l’affabilité.Matthew ne put argumenter.Sandwell parlait de quelque chose qui lui était inconnu.Il n’avait entendu que des fragments d’accusation et de démentis, des rumeurs d’horreurs qui appartenaient à un autre monde et à d’autres gens, fort différents
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