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.C’est un lieu plein de bibliothèques et de parloirs lambrissés de bois sombre, de chambres aux plafonds à caissons, aux épais tapis bordeaux, de réfectoires aussi paisibles que ceux d’un ordre religieux, avec des membres qui se dédient à leur tâche comme des prêtres et des nonnes, qui sont capables de lire dans votre esprit, de voir votre aura, de prédire votre avenir en regardant la paume de votre main et de deviner à peu près qui vous avez bien pu être dans une vie antérieure.Des sorciers ? Ma foi, quelques-uns d’entre eux le sont peut-être.Mais, dans l’ensemble, ce sont simplement des érudits – des gens qui ont consacré leur vie à l’étude de l’occulte dans toutes ses manifestations.Certains en savent plus que d’autres.Certains croient plus que d’autres.Par exemple, il y a tel membre dans telle maison-mère – et dans d’autres maisons-mères d’Amsterdam, de Rome ou des profondeurs des marais de Louisiane – qui ont posé les yeux sur des vampires et des loups-garous, qui ont perçu les pouvoirs physiques et télékinésiques de mortels capables de mettre le feu ou de provoquer la mort à distance, qui ont parlé à des fantômes et obtenu d’eux des réponses, qui ont combattu des entités invisibles et qui ont connu face à elles la victoire – ou la défaite.Voilà plus de mille ans que cet ordre existe.Il est plus ancien en fait, mais ses origines sont enveloppées de mystère – ou, pour être plus précis, David refuse de me les expliquer.Où le Talamasca trouve-t-il son argent ? Il y a dans ses caves une vertigineuse abondance d’or et de joyaux.Ses investissements dans les grandes banques d’Europe sont légendaires.Il possède des immeubles dans toutes les villes où il a un siège, qui à eux seuls pourraient suffire à son entretien, si l’ordre ne possédait rien d’autre.Et puis il faut compter aussi avec les trésors de ses réserves – peintures, statues, tapisseries, meubles et ornements anciens – tous acquis dans le cadre de divers procès d’occultisme et qui n’ont pour l’ordre aucune valeur marchande, car leur intérêt historique et scientifique dépasse de loin toute estimation à laquelle on pourrait se risquer.Sa bibliothèque à elle seule vaut une rançon de roi dans n’importe quelle monnaie terrestre.Il y a des manuscrits dans toutes les langues, certains même provenant de la célèbre bibliothèque d’Alexandrie incendiée voilà des siècles, et d’autres qui viennent des bibliothèques de Cathares martyrisés.Il existe des textes d’Égypte ancienne qui pousseraient bien des archéologues à commettre joyeusement un meurtre pour y jeter un simple coup d’œil.Il y a des textes écrits par des êtres surnaturels de plusieurs espèces connues, y compris des vampires.Il y a aussi dans ces archives des lettres et des documents écrits de ma main.Aucun de ces trésors ne m’intéresse.Jamais ils ne m’ont intéressé.Oh ! quand j’étais d’humeur espiègle, il m’est arrivé de songer à pénétrer par effraction dans les caves et à reprendre quelques vieilles reliques qui ont appartenu jadis à des immortels que j’aimais.Je sais que ces érudits ont collectionné des biens que j’avais moi-même abandonnés : le contenu d’un appartement à Paris vers la fin du siècle dernier, les livres et les meubles de ma vieille maison dans la rue bordée d’arbres du Garden District, où j’ai dormi pendant des décennies, sans me soucier le moins du monde de ceux qui arpentaient les planchers pourris au-dessus de moi.Dieu sait quoi d’autre ils ont sauvé de l’érosion du temps.Mais je ne me souciais plus de ces choses-là.Ce qu’ils avaient récupéré, ils pouvaient le garder.Je ne m’intéressais qu’à David, le Supérieur Général qui était mon ami depuis cette nuit lointaine où j’étais arrivé grossièrement et impulsivement en passant par la fenêtre du troisième étage de son appartement.Quelle bravoure et quel calme il avait montrés.Et comme j’avais été heureux de le regarder, un homme de grande taille au visage creusé de rides profondes et aux cheveux gris acier.Je me demandai alors si un jeune homme pourrait jamais posséder pareille beauté.Qu’il me connût, qu’il sût ce que j’étais, ç’avait été pour moi son plus grand charme.Et si je vous faisais l’un de nous.Je pourrais le faire, vous savez…Jamais il n’a varié dans sa conviction.« Pas même sur mon lit de mort je n’accepterais », avait-il dit.Mais il avait été fasciné par ma seule présence, il ne pouvait le dissimuler, même s’il m’avait assez bien caché ses pensées depuis cette première rencontre.Son esprit en fait était devenu comme un coffre-fort qui n’aurait pas de clé.Et il ne m’était resté que des expressions radieuses et affectueuses de son visage et une voix douce et cultivée capable de persuader le diable de bien se conduire.Comme j’arrivais maintenant à la maison-mère au petit matin, dans la neige de l’hiver anglais, ce fut vers les fenêtres familières de David que je me dirigeai, pour trouver son appartement désert et sombre.Je songeai à notre dernière réunion.Aurait-il pu retourner à Amsterdam ?Ce dernier voyage avait été improvisé, ce fut du moins ce que je pus découvrir, quand je vins à sa recherche, avant que les habiles médiums qui constituaient ses ouailles n’eussent senti mon importune exploration télépathique – ce à quoi ils parviennent avec une remarquable efficacité – et ne se fussent empressés de couper tout contact.Quelques courses d’une grande importance avaient, semblait-il, imposé à David de se rendre en Hollande.La maison-mère hollandaise était plus ancienne que celle des environs de Londres, avec des caves dont le Supérieur Général seul avait la clé.David devait retrouver un portrait exécuté par Rembrandt, un des trésors les plus importants que possédait l’ordre, le faire copier et envoyer cette copie à son cher ami Aaron Lightner, qui en avait besoin pour une importante enquête dans le domaine du paranormal qui était en cours aux États-Unis.J’espionnai David à Amsterdam, en me disant que je n’allais pas le déranger, comme je l’avais fait bien des fois auparavant.Je le suivis à bonne distance, tandis qu’il marchait d’un pas vif dans le jour finissant, masquant mes pensées aussi adroitement qu’il masquait toujours les siennes.Comme sa silhouette était imposante sous les ormes qui bordent le Singel, quand il s’arrêtait çà et là pour admirer les vieilles maisons hollandaises dressant leurs trois ou quatre étages étroits avec leurs hauts pignons et leurs fenêtres éclairées dont on avait laissé les rideaux ouverts, semblait-il, pour le plaisir du passant !Presque aussitôt je perçus en lui un changement.Il avait sa canne comme toujours, même si de toute évidence il n’en avait pas besoin, et il la faisait sauter sur son épaule comme au temps jadis.Mais il y avait une certaine mélancolie dans sa démarche ; un mécontentement prononcé ; et une heure s’écoulait après l’autre tandis qu’il vagabondait, comme si le temps n’avait aucune importance
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