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.« Et elle est sa maîtresse autant que son esclave, naturellement.» Il rota, puis but dans une corne.« C’est son beau-frère, le roi Budic, qui la lui a donnée.Il y a longtemps.Elle a bien quelques années de plus qu’Arthur et, à mon avis, Budic devait penser qu’il ne la garderait pas longtemps, mais dès qu’Arthur s’est entiché de quelqu’un, c’est pour toujours.Et voilà ses jumeaux.» Il pointa sa barbe graisseuse vers le fond de la salle où deux gamins maussades qui devaient avoir neuf ans étaient accroupis dans la saleté avec leurs bols de nourriture.« Les fils d’Arthur ?— De personne d’autre ! répondit Morfans sur le ton de la dérision.Amhar et Loholt, qu’ils s’appellent, et leur père les adore.Rien n’est trop bon pour ces petits bâtards, car c’est exactement ce qu’ils sont, mon gars, des bâtards.Des petits bâtards qui sont des bons à rien.» Sa voix trahissait une vraie haine.« C’est moi qui te le dis, fils, Arthur ap Uther est un grand homme.C’est le meilleur soldat que j’aie jamais connu, l’homme le plus généreux et le plus juste des seigneurs, mais pour ce qui est d’engendrer des enfants, je ferais mieux avec une truie pour mère.— Sont-ils mariés ? » demandai-je en dirigeant de nouveau mes regards vers Ailleann.Morfans rit.« Bien sûr que non, mais elle l’a rendu heureux ces dix dernières années.Souviens-toi, le jour viendra où il la renverra comme son père a renvoyé sa mère.Arthur épousera l’héritière d’une famille royale, elle ne sera pas moitié aussi gentille qu’Ailleann, mais les hommes comme Arthur n’ont pas le choix.Ils doivent faire un beau mariage.Pas comme toi et moi, petit.Nous pouvons épouser qui bon nous semble, du moment que ce n’est pas la fille d’une famille royale.Écoute-moi ça ! »Une femme hurlait dehors dans la nuit.Son visage rayonnait.Owain avait quitté la salle, et Ladwys était manifestement en train d’apprendre ses nouveaux devoirs.Le cri fit sursauter Arthur, Ailleann releva sa jolie tête et le regarda de travers, mais Nimue fut la seule autre personne de la salle à remarquer la détresse de Ladwys.Son visage bandé était tiré et triste, mais le hurlement la fit sourire en raison du tourment qu’il ne manquerait pas d’infliger à Gundleus.Il n’y avait pas une once de pardon chez Nimue.Elle avait déjà demandé à Arthur et à Owain la permission de tuer elle-même Gundleus, et elle avait essuyé un refus, mais aussi longtemps que Nimue vivrait Gundleus connaîtrait la peur.Le lendemain, Arthur se rendit à Ynys Wydryn à la tête d’un groupe de cavaliers.Il rentra le soir même en rapportant que l’antre de Merlin n’était plus que cendres.Les cavaliers revinrent aussi avec ce pauvre fou de Pellinore et un Druidan indigné qui s’était réfugié dans un puits appartenant aux moines de la Sainte-Épine.Arthur dit son intention de reconstruire la demeure de Merlin, mais comment allait-il s’y prendre sans argent et sans une armée de manœuvres, nul ne le savait.Gwlyddyn fut officiellement nommé constructeur royal de Mordred et fut invité à commencer à abattre des arbres pour reconstruire les bâtiments du Tor.Pellinore fut enfermé dans un entrepôt de pierre vide attaché à la villa romaine de Lindinis, qui était la colonie de peuplement la plus proche de Caer Cadarn et où les femmes, les enfants et les esclaves qui suivaient les femmes d’Arthur trouvèrent un toit.Arthur organisait tout.Il a toujours été un homme infatigable, ne supportant pas de rester les bras croisés, et, dans les tout premiers jours qui suivirent la capture de Gundleus, il travailla de l’aube jusque longtemps après la tombée de la nuit.Il passait le plus clair de son temps à trouver un gagne-pain à ses hommes ; il fallait leur allouer des terres royales et agrandir des maisons pour leur famille, tout cela sans froisser les gens qui vivaient déjà à Lindinis.La ville elle-même avait appartenu à Uther, et Arthur la reprit pour lui.Il n’y avait pas de tâche trop insignifiante pour lui et, un matin, je le trouvai même aux prises avec une grande feuille de plomb.« Donne-moi un coup de main, Derfel ! » lança-t-il.Je fus flatté de constater qu’il se rappelait mon nom et me précipitai pour l’aider à soulever la masse encombrante.« C’est rare ! » observa-t-il joyeusement.Il était torse nu et sa peau était barbouillée du plomb qu’il comptait découper en bandes pour en revêtir le caniveau de pierre qui transportait jadis l’eau d’une source jusqu’à l’intérieur de la villa.« En partant, les Romains ont emporté tout le plomb avec eux, expliqua-t-il ; voilà pourquoi les conduites d’eau ne marchent plus.Nous devrions recommencer à exploiter les mines.» Il laissa tomber le plomb qu’il avait entre les mains pour s’éponger le front.« Remettre les mines en activité, reconstruire les ponts, paver les gués, creuser des écluses et trouver le moyen de persuader les Saïs de rentrer chez eux.Il y a assez de travail pour la vie d’un homme, tu ne crois pas ?— Oui, Seigneur », répondis-je nerveusement, me demandant bien pourquoi un seigneur de la guerre se souciait de réparer des conduites d’eau.Le conseil devait se réunir plus tard dans la journée et je pensais qu’Arthur avait suffisamment à faire pour le préparer, mais le plomb semblait le préoccuper davantage que les affaires d’État.« Je ne sais pas si tu as vu du plomb ou si tu en as coupé avec un couteau, dit-il d’une voix lugubre.Il faut que je sache.Je vais demander à Gwlyddyn.On dirait qu’il sait tout
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