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.Or, l’île bienheureuse faisait partie du royaume de Diwrnach, le plus terrible des rois irlandais qui eût jamais franchi la mer d’Irlande pour s’emparer de la terre bretonne.On disait que Diwrnach badigeonnait ses boucliers de sang humain.Dans toute la Bretagne, il n’était de roi plus cruel ni plus redouté.Seules les montagnes qui l’entouraient et la faiblesse de son armée le retenaient de propager sa terreur dans le sud à travers Gwynedd.Diwrnach était un monstre invincible.Une créature qui rôdait aux confins obscurs de la Bretagne.De l’aveu général, mieux valait ne pas la provoquer.« Vous voulez que j’aille à Ynys Mon ? demandai-je à Merlin.— Je veux que tu nous accompagnes à Ynys Mon, dit-il en montrant Nimue, avec nous et une vierge.— Une vierge ?— Parce que seule une vierge, Derfel, peut trouver le Chaudron de Clyddno Eiddyn.Et qu’aucun de nous, je crois, ne saurait y prétendre, ajouta-t-il d’un ton sarcastique.— Et le Chaudron, repris-je lentement, se trouve à Ynys Mon.» Merlin hocha la tête et je frémis en pensant à cette expédition.Le Chaudron de Clyddno Eiddyn était l’un des treize Trésors magiques de la Bretagne qui avaient été dispersés lorsque les Romains avaient pillé Ynys Mon.Et l’ultime ambition de Merlin, dans sa longue vie, était de rassembler les trésors, mais il tenait par-dessus tout au Chaudron.Avec celui-ci, assurait-il, il pourrait maîtriser les Dieux et triompher des chrétiens.Voilà pourquoi, avec un goût amer dans la bouche et indisposé par des aigreurs d’estomac, j’étais agenouillé au sommet d’une colline trempée du Powys.« Ma mission, dis-je à Merlin, est de combattre les Saxons.— Imbécile ! aboya Merlin.La guerre contre les Saïs est perdue tant que nous n’aurons pas récupéré les Trésors.— Arthur n’est pas d’accord.— Arthur est tout aussi sot que toi.Qu’importent les Saxons, imbécile, si nos dieux nous ont laissés tomber ?— J’ai juré de servir Arthur, protestai-je.— Tu as aussi juré de me servir, répliqua Nimue, levant son bras gauche pour montrer la cicatrice qui répondait à la mienne.— Mais je ne veux sur la Route de Ténèbre aucun homme qui ne vienne de son plein gré.À toi de choisir à qui tu seras fidèle, Derfel, mais je peux t’y aider.»Il débarrassa le rocher de la coupe et la remplaça par un tas de côtes qu’il avait pris dans la salle de Cuneglas.Il s’agenouilla, saisit un os et le disposa au centre de la Pierre royale.« Voilà Arthur, dit-il.Et voici Cuneglas.Et de celui-ci, nous en reparlerons plus tard », dit-il en prenant un troisième os pour former un triangle avec les deux premiers.Puis il en prit un quatrième qu’il plaça en travers de l’un des angles : « Voici Tewdric de Gwent, voici l’alliance d’Arthur avec Tewdric et voici son alliance avec Cuneglas.» Ainsi forma-t-il un second triangle au sommet du premier, dessinant une sorte d’étoile rudimentaire à six pointes.Puis il s’attaqua à une troisième figure, parallèle à la première : « Voici l’Elmet, voici la Silurie, et cet os-ci, dit-il en brandissant le dernier, c’est l’alliance de tous ces royaumes.Voilà.» Il se recula et fit un geste en direction de cette tour précaire qui reposait au centre de la pierre.« Voilà le plan que nous a mitonné Arthur, Derfel.Mais c’est moi qui te le dis, et je suis formel : sans les Trésors, tout va s’effondrer.»Il se tut.Je regardai les neuf os.Tous, sauf la mystérieuse troisième côte, portaient encore des bouts de viande, de tendon et de cartilage.Seul le troisième était parfaitement nettoyé et blanc.Je l’effleurai du doigt, prenant grand soin de ne pas perturber le fragile équilibre de cette tour écrasée.« Et qu’en est-il du troisième os ? »Merlin sourit.« Le troisième os, Derfel, c’est le mariage entre Lancelot et Ceinwyn.» Il s’arrêta.« Prends-le.»Je ne bougeai pas.Le retirer, c’était faire s’effondrer le fragile réseau d’alliances qui était le meilleur espoir d’Arthur : en vérité son unique espoir de vaincre les Saxons.Merlin devina ma répugnance et se saisit du troisième os sans pour autant le dégager.« Les Dieux ont horreur de l’ordre, grogna-t-il.L’ordre, Derfel, voilà ce qui détruit les Dieux, si bien qu’il leur faut détruire l’ordre.» Il retira l’os et la tour s’écroula aussitôt.« Arthur doit restaurer les Dieux, reprit Merlin, s’il veut ramener la paix en Bretagne.» Il me tendit l’os.« Prends-le.»Je ne bougeai pas.« Ce n’est qu’un amas de vieux os, mais celui-ci, Derfel, c’est le désir de ton âme.» Il me tendit l’os immaculé.« Cet os, c’est le mariage de Lancelot et de Ceinwyn.Brise-le, Derfel, et le mariage n’aura jamais lieu.Laisse-le intact, Derfel, et ton ennemi conduira ta femme dans sa couche pour la besogner comme un chien.» De nouveau, il insista pour que je prenne l’os, mais je ne bougeai pas.« Tu crois que ton amour pour Ceinwyn ne se lit pas sur ton visage ? demanda-t-il d’un ton railleur.Prends-le ! Parce que moi, Merlin d’Avalon, je te donne à toi, Derfel, le pouvoir de cet os.»Je le pris, les Dieux me viennent en aide, mais je le pris.Que pouvais-je faire d’autre ? J’étais amoureux.Je pris l’os et le fourrai dans ma bourse.« Ça ne servira à rien, railla Merlin, à moins que tu ne le casses en deux.— De toute façon, ça ne me servira en rien, répondis-je, découvrant enfin que je pouvais tenir debout.— Tu es un sot, Derfel, trancha Merlin, mais un sot qui est une bonne épée.Voilà pourquoi j’ai besoin de toi si nous devons nous engager sur la Route de Ténèbre.» Il se releva.« À toi de choisir, maintenant.Tu peux briser l’os, et Ceinwyn viendra à toi, je te le promets, mais en ce cas tu auras fait le serment de partir à la recherche du Chaudron.Ou tu peux épouser Gwenhwyvach et gâcher ta vie en t’épuisant à enfoncer les boucliers saxons pendant que les chrétiens complotent de prendre la Dumnonie.A toi de choisir, Derfel.Maintenant, ferme les yeux.»Je fermai les yeux, les gardai clos, docilement un long moment.Puis, faute de nouvelles instructions, je finis par les rouvrir.Le sommet de la colline était désert.Je n’avais rien entendu, mais Merlin, Nimue, les huit os et la coupe : tout avait disparu.L’aube pointait à l’horizon, les oiseaux piaillaient à tue-tête dans les arbres, et j’avais un os bien nettoyé dans ma bourse.Je descendis pour rejoindre la route qui longeait la rivière, mais dans ma tête je voyais l’autre route, la Route de Ténèbre qui menait à l’antre de Diwrnach, et j’avais peur.Ce matin-là, nous sommes allés à la chasse au sanglier.Alors que nous nous éloignions de Caer Sws, Arthur rechercha délibérément ma compagnie.« Tu nous a quittés de bonne heure, hier soir.— Mon ventre, Seigneur.»Je ne voulais pas lui dire la vérité, que j’avais été avec Merlin, car il aurait soupçonné que je n’avais pas encore renoncé à la quête du Chaudron.Mieux valait mentir.« J’avais des aigreurs d’estomac.»Il rit.« Je ne sais pas pourquoi nous appelons ça des banquets, parce que ce n’est qu’un prétexte à boire
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